Courir

2018

En ville

Ce mois-ci, les Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques vous proposent de découvrir un pan de l’histoire de la course à pied en analysant une source de celle-ci, les archives du bureau de la circulation de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.

Les versements

Deux versements du bureau de la circulation routière concernent le service des manifestations sportives. Il s’agit des versements 1674 W et 1838 W.

 

Caractéristiques des versements
1674 Wversement de mars 20032.15 mètres linéaires18 articles
1838 Wversement de janvier 20085.6 mètres linéaires49 articles

Ils émanent du service autorisant la tenue de courses (pédestres, cyclistes, automobiles ou autres) sur la voie publique et définissant les conditions de celles-ci. Les archives versées concernent la période 1990-2005.
Les dossiers se composent des demandes des organisateurs, la correspondance entre les différentes administrations, et les arrêtés d’autorisation de course.
Le détail de ces versements est précisé par cote ou article dans un bordereau de versement. Ce type d’instrument de recherche n’est actuellement consultable qu’en salle de lecture, sous format papier.

L'échantillonage

Tous les dossiers de toutes les années n’ont pas été conservés, en raison du volume représenté. Un échantillonnage a été effectué pour ne conserver qu’une partie des dossiers, représentatives de l’ensemble des courses et affaires suivies par le service de la préfecture. Cette pratique est courante dans les dossiers sériels des archives contemporaines, dont le volume ne permettrait pas sinon la conservation aux Archives. Afin de garder un échantillon de dossiers représentatifs, les critères de tri peuvent être de plusieurs natures et sont souvent croisés.

Feuilleter les archives

Délais de communicabilité des documents : L’ensemble des documents conservés sous ces cotes n’est pas communicable en salle de lecture ni publiable sur internet. En effet, la loi protège les citoyens de la diffusion d’informations recueillies sur leur vie privée, telles que leur adresse par exemple. Le délai de communication est de 50 ans en salle de lecture pour ce type d’information, et de 100 ans pour sa mise en ligne. En salle de lecture, ces cotes sont donc communiquées par extrait, en retirant provisoirement les pièces comprenant ce type d’information lors de sa consultation. Pour ce document du mois, celles-ci n’ont pas été numérisées, ou ont été anonymisées.

Comprendre l’histoire de la course à pied

Alors que les silhouettes de coureurs participent aujourd’hui du panorama quotidien des rues françaises, il faut rappeler que le jogging urbain est un phénomène récent et longtemps marginal. Apparu dans les années 1970, en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud, il reste longtemps une pratique des milieux contestataires. Dans les mentalités, courir en dehors des stades est perçu comme atypique voire incongru. Pour les médecins, la course sur longue distance est de plus une pratique dangereuse pour la santé. On en interdit notamment la pratique aux enfants, aux femmes, et aux personnes âgées.

L’histoire par le vide

Les versements ne concernent que des demandes des années 1990-2000. Deux causes sont possibles : soit il n’y a pas de demande auparavant, soit les documents ne sont pas parvenus aux Archives. Même s’il n’est pas suffisant pour établir une conclusion, le versement 1674 W nous apporte quelques renseignements. Pour de nombreuses courses, le numéro d’édition est mentionné. Il s’agit pour plusieurs courses de la première, deuxième ou troisième édition en 1990, témoignage d'une pratique en développement.

Les années 1970-1980

Dans les années 1970-1980, ces courses se développent pourtant. Elles portent des valeurs différentes, sur le bien-être, sur le rapport à la nature, mouvement idéologique notamment porté par la revue Spiridon créée en 1972. Ces coureurs ne se retrouvent pas dans les épreuves d’athlétisme axées sur la compétition. Les pionniers lancent donc leurs épreuves mais sont menacés de sanction par les autorités de tutelle de l’athlétisme telles que la Fédération française d’athlétisme (FFA). Mais face aux succès et à la multiplication des épreuves, la FFA négocie son monopole pour l’organisation de courses.

Dans les années 1980, les courses voient se côtoyer les coureurs devenus presque professionnels des courses longues hors stade, et les coureurs lambda.

Comprendre l’histoire d’une discipline sportive : étudier les lois qui la réglementent

  • Le décret n°55-1366 du 18 octobre 1955 portant réglementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique instaure la nécessité d’une autorisation préalable. Celle-ci n’est accordée qu’aux associations affiliées à une fédération, ou aux associations ayant reçu un visa du service départemental de la jeunesse et des sports. Il définit les conditions des compétitions sportives. Les courses à pied ne sont pas évoquées en tant que telles, contrairement aux épreuves automobiles.
  • La loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives définit le rôle des fédérations et des associations sportives.
  • Le décret n°92-757 du 3 août 1992 modifiant le code de la route et relatif à la sécurité des courses et épreuves sportives sur les voies ouvertes à la circulation publique règle les questions de circulation et instaure la nécessité de recours à des personnes majeures et ayant le permis pour signaler l’épreuve en cours sur la route. Cette évolution législative est lisible dans les dossiers de 1995 : une liste de signaleurs avec nom, adresse et numéro de permis accompagne désormais les demandes des organisateurs.

Les années 1990

Formulaire de demande d'organisation de course auprès de la commission départementale, organe de la Fédération française d'athlétisme (1674 W 4).

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les demandes et autorisations d’organisation de courses. La structuration des courses, leur organisation et leur banalisation dans le paysage urbain peuvent être perçues dans ces documents et sont les marqueurs d’une évolution importante.
Ceci est visible en étudiant les obligations réglementaires des demandeurs de cours. Ces exigences vont d’ailleurs aller en s’accentuant. Les formulaires de la commission départementale des courses sur route devenue ensuite commission des courses hors stade montrent le rôle de contrôle des instances sportives.

Les obligations des organisateurs en 2000

  • reconnaître l’itinéraire et signaler les dangers
  • disposer de signaleurs portant brassard aux points les plus délicats
  • faire passer un véhicule d’organisation avant le premier coureur et après le dernier
  • veiller à ce que les coureurs utilisent les trottoirs
  • mettre des panneaux de signalisation et les retirer à la fin de l’épreuve
  • ne pas marquer le sol sauf s’il peut être nettoyé dans les 24 heures suivant la course.
Programme d'une course organisée avec le magasin Decathlon (1674 W 1)

Les courses se développent également car attirant plus de monde, elles bénéficient du support financier de commerces ou d’entreprises qui les financent. Il n’est pas rare alors que le lieu de départ ou d’arrivée de la course soit non un équipement sportif (comme le stade Tissié à Pau, signe que la compétition hors stade ne se joue plus totalement en dehors des structures dans les années 1990), mais un magasin d’articles et équipements sportifs. Il ne s’agit donc plus d’un sport marginal comme dans les années 1970. D’ailleurs, les demandes d’autorisation de courses laissent également deviner le public ciblé : par leur nature (hommes, femmes mais aussi enfants), comme par leur nombre, les coureurs des années 1990 ressemblent moins aux coureurs solitaires des années 1970.

Extrait du règlement de la course "les 10 kms de Pau" en 1990 (1674 W 1).

Organiser une course à pied répond à plusieurs motifs : cela peut correspondre à un événement de la vie locale, qui ponctue une fête de village par exemple. La course peut bien sûr être organisée pour l’organisation d’une épreuve sportive en soi, par les associations sportives locales. Mais elle peut aussi être un événement politique, ou caritatif.

Une source comme celle-ci, bien qu’elle n’offre un regard que partiel sur l’histoire du sport, est donc riche d’enseignements sur les pratiques sportives et leurs évolutions, l’économie du sport, sa dimension sociale ou politique.

Sources complémentaires

  • La presse locale rappelle souvent les palmarès des principales courses et événements sportifs.
  • Les Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques conservent peu de fonds d’archives d’association sportive. Elles ne concernent pas l’athlétisme. Cependant, il est possible de retrouver les statuts des associations dissoutes dans les versements de la préfecture.
  • La recherche universitaire s’étant emparée de ce sujet, plusieurs articles sont disponibles sur le site Persée. Ce document du mois s’appuie notamment sur l’analyse d'Anne-Marie Waser dans « Du stade à la ville : réinvention de la course à pied » in : Les Annales de la recherche urbaine, N°79, 1998. Sports en ville pp. 58-68.

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