Mai 1968

2018

Dans les Basses-Pyrénées

Le contexte national

Il y a cinquante ans éclatait en France un mouvement social d’une ampleur inédite : Mai 1968.
Cet épisode de l’Histoire contemporaine de la France englobe non seulement une révolte étudiante mais aussi un mouvement social touchant le monde paysan et, dans les entreprises, une grève générale de plusieurs semaines, la plus massive de son histoire, avec à la clef de fortes hausses de salaires et un renforcement du droit syndical, scellés par les accords contestés de Grenelle. Le contexte social est loin d'être serein dans la période qui précède. La croissance économique exceptionnelle s'accompagne d'une organisation quasi-militarisée dans les usines, et de fortes inégalités, des salaires de base très faibles. De nombreux conflits sociaux vont ainsi s’installer comme à Dassault, Rhodia, Berliet ou aux Chantiers de l'Atlantique. Selon un responsable cégétiste, on compte 350 arrêts de travail à Renault Billancourt durant les quatre premiers mois de 1968. L'explosion de mai est d'une ampleur incomparable, avec sept à dix millions de grévistes, alors qu'il y en avait près de deux millions après la victoire du Front populaire en 1936.

Les grèves dans les Basses-Pyrénées

Les sources conservées aux Archives

En dehors de la presse, les sources archivistiques sont peu nombreuses sur le sujet : d’une part, peu de bordereaux de versement d’archives mentionnent de façon explicite ces évènements, dans leurs intitulés. Seul un versement du cabinet de la préfecture (593 W) contient des rapports des renseignements généraux sur la surveillance des syndicats et le suivi des grèves dans la fonction publique pour la période 1960-1970. Il existe également un fonds privé, le fonds Lacq Odyssée (144 J) qui contient des copies de clichés photographiques de 1968, de qualité moyenne, illustrant les réunions syndicales et manifestations à Pau. Par ailleurs, des témoignages audiovisuels ont été collectés par une étudiante ayant réalisé un mémoire sur ce thème (Patricia LATXAGUE. - La mémoire de mai 68 par ceux qui l’ont vécu : les syndicats ouvriers du Béarn. – T.E.R. UPPA 1998-1999, sous la direction de M. PAPY) ; ces enregistrements ont été archivés par l’Association Mémoire collective en Béarn (identifiés sous la cote 1 AV) et sont en cours de numérisation.

Le fonds de l'AMCB (1AV) dans les magasins de conservation des archives

Les ouvrages édités sont également peu nombreux : la revue Aperçu d’histoire sociale en Aquitaine , de l‘Institut CGT d’Histoire sociale en Aquitaine, consacre ses numéros de 1988, 1992 et 1998 au thème de « mai 1968 » ; Gisèle Lougarot recueille des témoignages de personnes ayant vécu l’épisode dans Pays basque Nord, mai 68 en mémoires, Elkar, 2008.

Couverture de l'ouvrage de Gisèle Lougarot

Historique des événements

Les témoignages recueillis indiquent que les grèves furent suivis principalement sur la Côte basque et dans les zones industrielles locales, notamment :

  • dans le secteur technologique : SNPA, Bréguet-Dassault, Manufacture d’Armes de Bayonne M.A.B., Péchiney ;
  • dans le secteur de l’industrie textile et chaussure : Biarritz Shoes, usines de Mauléon, d’Oloron ;
  • dans le secteur de la grande distribution : Carrefour, Dames de France, Nouvelles Galeries ;
  • dans le secteur public : Education nationale, Postes et Télécommunications, EDF, SNCF.

Un mai 1968 des travailleurs

S’il y a un mai 1968 des étudiants dans les Basses-Pyrénées, les principaux événements sont liés aux salariés. En effet, le département ne comprend que peu d’étudiants en 1968 : il existe alors deux Collèges rattachés à l’Université de Bordeaux. L’Université de Pau et des Pays de l’Adour est créée en 1970. L’IUT des Pays de l’Adour, avec un département implanté à Bayonne, est créé en 1975.

Les grèves furent suivies à plus de 75% dans les entreprises privées et publiques, et durèrent 2 à 3 semaines, avec occupation des locaux par les hommes. Les acquis furent différents selon les entreprises. On peut retenir cependant quelques mesures phares : augmentation de salaire, baisse du nombre d’heures de travail par semaine pour certains, améliorations des conditions de travail, paiement des jours de grève, ou encore préretraite (Turboméca). Il y eut peu de manifestations sur Bayonne et Pau ; elles furent davantage des manifestations de soutiens aux évènements parisiens. La contestation s’est faite sur chaque lieu de travail, de manière individuelle, de manière ferme mais sans violence ni dégradation, dans la négociation. La plupart des personnels étaient syndiqués ou le sont devenus suite aux évènements.

État des lieux des grévistes par administration (593 W 74)
État des grévistes dans l'enseignement (593 W 74)

Loin de Paris, les Basses-Pyrénées ont connu leur mai 1968, plus marqué par les grèves ouvrières qu’étudiantes. Si mai 68 cristallise des revendications anciennes du monde ouvrier, il prend de l’ampleur car les mouvements nationaux sont perçus comme une occasion à ne pas manquer pour peser dans les négociations et pour obtenir des avantages sociaux. D’ailleurs, si les grèves sont importantes, il ne faut pas négliger la diversité des situations, image de la diversité du secteur secondaire dans le Département à l’époque. Mai 1968 ne touche pas de la même façon les entreprises familiales des usines d’envergure nationale, structures toutes deux présentes dans les Basses-Pyrénées.

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