Dans la prison de Pau

2019

Évasions carcérales

Certains voyages sont placés sous haute surveillance. Parmi eux, les déplacements de prisonniers, propices aux évasions…

À quoi sert la prison ?

Au XVIIIème siècle à Pau, la prison est dans la tour Sud-Est du château de Pau. Elle se situe donc au cœur de la ville.

Plan situant le château de Pau et sa prison ainsi que le palais de justice. Le plan représente la ville au milieu du XIXème siècle (http://plans.le64.fr)

Cette localisation peut étonner, si on pense prestige du site et à sa position centrale dans Pau. Il faut comprendre que la prison n’est pas le lieu qu’elle est aujourd’hui, et qu’elle ne remplit pas les mêmes fonctions.
À l’époque moderne, après un délit ou crime, la justice condamne selon deux principes :

  • la peine doit être exemplaire et donc publique. La prison est ainsi un lieu visible, au milieu de la ville.
  • la peine doit réparer le préjudice causé, ce qui justifie les peines corporelles et les peines sociales (bannissement).

À ce titre, emprisonner un coupable ne se justifie pas et est mal perçue par la société d’Ancien régime.
Une fois le jugement rendu, il est donc rare que l’on soit fait prisonnier et enfermé en prison. Le prisonnier est surtout une personne en attente de jugement, ce qui explique le lien de la prison avec le palais de justice (ici le Parlement de Navarre). Celle-ci est emprisonnée pour éviter qu’elle ne s’échappe avant d’être jugée ou qu’elle influence un témoin. Parfois, un suspect est emprisonné pour le protéger d’une éventuelle vengeance (encore acceptée) ou pour le contraindre à payer une dette.
Le nombre de personnes incarcérées est donc peu important (ainsi que celui des prisons).

Quelques exceptions : qui peut être incarcéré ?

  • Le prisonnier militaire (otage du champ de bataille gardé par l’ennemi contre rançon), en général bien traité.
  • La personne enfermée suite à une lettre de cachet (décision du roi de l’emprisonner, de son fait ou à la demande des familles).
  • Parfois l’adversaire politique.



Mais les conditions d’emprisonnement et la réalité matérielle de celle-ci rendent ce système faillible…

Les conditions d’emprisonnement

Au XVIIIème siècle en France, on déplore le mauvais état des prisons. Celles-ci sont gérées sur le budget des tribunaux (ce qui montre leur rôle dans le système judiciaire). Elles fonctionnent par un système de ferme : le prisonnier paye son ravitaillement au geôlier qui s’engage à le nourrir pour une somme donnée.

Quelques  documents permettent de découvrir les conditions de vie en prison. Parmi eux, un mémoire de De Fenoyl du 23 janvier 1716 en décrit partiellement le fonctionnement. Suite à l’incendie du Parlement de Navarre, alors palais de justice, son premier président décrit le fonctionnement du palais mais aussi des prisons toutes proches. Il se montre sensible aux conditions de vie des prisonniers qu’il juge inhumaines. Il évoque les odeurs pestilentielles, l’insalubrité des lieux. Le cachot ne peut être utilisé car il ne dispose pas de système pour écouler les eaux usées. On y manque de chambres pour séparer les hommes des femmes.

L'évasion

Les textes évoquent deux modes d’évasion : par les toits du château ou lors des déplacements et sorties vers le Parlement de Navarre. Le plan coté C 161 montre la proximité de la tour des prisons avec le toit de l’ancien corps de garde. L’éloignement du palais de justice (le Parlement de Navarre) est un autre inconvénient : les prisonniers sortent et peuvent donc s’évader.

Plan du château et de la tour de la prison (C 161)
Extrait du registre d'écrou (B 5447)

On trouve trace de ces évasions dans les registres d’écrou (B 5447-5449). En marge des inscriptions figurent le destin des prisonniers. Les évasions correspondent à la mention « brisé les prisons ». Celle-ci est succincte. On précise la date d’évasion. On semble parfois s’évader à plusieurs car il n’est pas rare de retrouver plusieurs mentions d’évasion pour une même date.
Le mémoire de Fenoyl précédemment évoqué mentionne en 1716 entre 25 et 30 prisonniers évadés en 5-6 ans.

Lire les mentions en marge des registres d’écrou

  • Pendu ou envoyé aux galères : la peine est précisée en marge surtout si elle entraine de sortir le prisonnier de la prison. La peine est révélatrice du délit ou crime jugé.
  • Décroué (ou relaché l’écrou) : libéré
  • Élargi : mis en liberté (plutôt avant l’audience)
  • Amplié / emplié les prisons : donner plus de liberté au prisonnier en lui accordant une possibilité de déplacement plus grande. Il peut par exemple être autorisé à résider dans la ville au lieu de la prison.
  • Enterré : il arrive que les prisonniers décèdent en prison… Parfois la mention précise que le ou la prisonnière est envoyé à l’hôpital.

Le XVIIIème siècle marque une étape importante dans l’histoire de la justice. La peine d’emprisonnement devient progressivement une peine considérée comme normale. Cette évolution voit son aboutissement dans le premier code pénal de 1791. Un renversement des valeurs qui modifie profondément les fonctions des prisons et leur localisation.

Bibliographie

"Captifs et captivités dans la France d’Ancien Régime", Philippe Jarnoux, Les Cahiers du CEIMA https://www.univ-brest.fr/digitalAssets/9/9795_c6_Jarnoux.pdf (consulté le 24/09/2019)

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