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À la fin du XIXème siècle, l’opinion publique s’inquiète du passage de « bandes » de tsiganes et bohémiens venus d’Europe de l’Est et d’Alsace-Lorraine. L’État souhaite contrôler plus vigoureusement ces populations. Ne répondant pas au délit de vagabondage, une réflexion est menée pour surveiller, identifier et contrôler une population jugée dangereuse. Légiférer sur les déplacements de travailleurs permet alors d’instituer ces obligations discriminantes.
La loi du 16 juillet 1912 (et le décret du 16 février 1913) sur l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades crée trois catégories de travailleurs : les ambulants, les forains et les nomades.
Les ambulants ont une résidence fixe en France, mais de par leur profession se déplacent. Ils ne sont pas nécessairement français. Ils ne sont tenus qu’à une déclaration en préfecture ou sous-préfecture de leur lieu de résidence.
Les forains sont obligatoirement de nationalité française. Ils n'ont pas de résidence fixe, mais exercent un métier déterminé. Pour eux, il est nécessaire de faire une demande de carnet d'identité.
Les dossiers de forains sont conservés sous les cotes 4 M 50-52. Les dossiers sont classés par ordre alphabétique. Ils comprennent la fiche de délivrance d’une carte d’identité de forain, de la correspondance, et parfois un carnet d’identité. Ceux-ci ne sont le plus souvent pas communicables en raison de leur état matériel : ils sont échangés lorsque leur propriétaire le demande car ils sont en trop mauvais état. Nomades et forains doivent les porter sur eux en permanence, car ils ont pour obligation de les présenter en cas de contrôle de police.
Il est à noter que les forains, mieux perçus dans l’imaginaire collectif car ayant une valeur sociale (on les lie aux professions de divertissement, de saltimbanques, ou de commerçants), se sont mobilisés pour ne pas être assimilés aux nomades dans le texte de loi et pour bénéficier d’un statut moins contraignant.
Les nomades peuvent être de n’importe quelle nationalité. Ils n'ont pas de résidence fixe et leur métier n'est pas clairement déterminé. La loi définit cette catégorie par défaut, comme ceux ne rentrant pas dans les deux précédentes, « même s’ils prétendent exercer une profession » (article 3). Les nomades doivent se rendre en préfecture pour se faire établir un carnet anthropométrique. Celui-ci doit être visé par un policier ou un gendarme à leur arrivée et à leur départ dans chaque commune où ils séjournent.
Pour les nomades le carnet est obligatoire dès 13 ans. Il existe une déclaration spécifique pour les 6-13 ans. Les carnets collectifs, au nom du chef de famille, comprennent tous les membres d’une famille.
Les carnets nomades décrivent aussi leurs véhicules. Ceux-ci doivent en effet porter une plaque de contrôle spécifique, ce qui permet de les repérer facilement.
Les dossiers de nomades comprennent les fiches de délivrance de carnet, sorte de double du carnet dont un exemplaire est conservé en préfecture et un à la Direction de la Sûreté générale du Ministère de l’Intérieur pour constitution d’un fichier central des nomades. Ces dossiers comprennent aussi parfois des carnets anthropométriques (et en mauvais état matériel) et de la correspondance.
Lors des débats parlementaires, les personnes visées par cette loi sont les « bohémiens » ou les « tziganes », termes non utilisés dans le texte définitif. On peut difficilement concevoir une loi républicaine qui discrimine des individus sur des considérations ethniques. C’est pourtant de cela qu’il s’agit quand on établit pour eux des carnets anthropomorphiques. Le but affiché est de contrôler, identifier et surveiller des populations jugées dangereuses voire criminelles. Par ses non-dits, la loi et les catégories qu’elle vise ne sont donc pas si clairs, comme le montre l’étude des demandes de carnets d’identité et anthropomorphiques.
Pour les personnes concernées, notamment celles considérées comme nomades, l’impact est lourd : ne pas avoir de papier d’identité est désormais un délit qui suffit à conduire à l’arrestation.
Les caractéristiques sociales des nomades et des forains peuvent être étudiées à travers les 165 dossiers de nomades (4 M 48-49) et les 302 dossiers de forains (4 M 50-52) conservés dans le fonds de la préfecture.
L'origine géographique
Certaines distinctions sont liées à la loi et à la définition des catégories qu’elle établit. Ainsi, les forains doivent avoir la nationalité française, même si certains sont nés à l’étranger.
D’un autre côté, être nomade ne signifie pas être étranger : près de 40% d’entre eux sont français, ce qui représente la première origine géographique des dossiers de nomades conservés aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques. Alors que l’opinion publique fait venir les nomades d’Europe de l’Est, seuls six individus présents dans ces dossiers en sont originaires.
Origines géographiques des forains : France métropolitaine (93,7%), Algérie (4,4%), Italie (0.6%), Belgique (0,3%), Espagne (0,3%), Tunisie (0,3%)
Origines géographiques des nomades : France (39,1%), Italie (24,2%), Espagne (22,3%), Belgique (4,9%), Allemagne (3,1%), Russie (1,8%), Angleterre (1,2%), Serbie (1,2%), Monténégro (0,6%), Suisse (0,6%), Turquie (0,6%).
Le métier
La distinction entre forain et nomade n’est pas non plus liée à une profession.
Profession | commerce | divertissement | fabricant | agriculture | réparateur | ouvrier |
Forain | 25.57% | 61.36% | 3.41% | 0.00% | 6.82% | 2.27% |
Nomade | 25.95% | 21.37% | 41.98% | 1.53% | 5.34% | 2.29% |
Total général | 25.73% | 44.30% | 19.87% | 0.65% | 6.19% | 2.28% |
Attention, ces statistiques ne portent que sur les dossiers où la profession est clairement définie. Pour 160 dossiers, le métier est soit absent, soit mentionné sous un terme générique (souvent employé forain ou marchand forain) ne permettant pas de savoir ce à quoi il correspond.
La catégorie de commerçant comprend des marchands, colporteurs. La catégorie divertissement comprend les employés ou directeur de jeux ou manèges, les acteurs, chanteurs ou musiciens. La catégorie fabricant comprend les vanniers, chaisiers, rétameurs, ou encore les chaudronniers. La catégorie réparateur regroupe les rempailleurs de chaises, les raccommodeurs de parapluies ou les chiffonniers. Les ouvriers sont des mécaniciens ou charpentiers par exemple.
L’âge
Le statut de forain étant lié au travail, les demandes de jeunes enfants sont rares même si les mineurs (moins de 21 ans) représentent 17% des dossiers.
Dans les dossiers de nomades, ils ne sont que 13%, mais les personnes concernées peuvent être beaucoup plus jeunes. La loi prévoit qu’un carnet spécifique soit accordé au mineur de 6-13 ans, rattachés à leur parent. Il est en revanche obligatoire pour les enfants de plus de 13 ans. Sont ici comptabilisés ensemble ces deux cas de figures.
Le sexe
Les femmes sont présentes dans les dossiers de nomade comme de forain.
| femme | homme |
Forain | 27.48% | 72.52% |
Nomade | 34.55% | 65.45% |
Total général | 29.98% | 70.02% |
Il faut noter que les individus ne sont pas enfermés dans certaines catégories, imprécision des textes oblige. Plusieurs dossiers évoquent le passage de nomade à forain. Les demandeurs ont davantage intérêts à être forains : les contraintes de déclaration sont moins fortes et les forains sont socialement mieux acceptés là où ils passent que les nomades (ce qui n’est pas de la moindre importance lorsque l’on commerce !)
Le texte de loi de 1912 est en vigueur jusqu’en 1969.