Bouteilles à la mer

L’eau est porteuse d’espoir, de croyances. Elle est crainte, vénérée, priée, aimée ou détestée.
Elle marque les vies et mentalités des habitants d’hier comme d’aujourd’hui. Mais de ces croyances, les archives ne gardent souvent que des traces très fugaces.

Pourtant, il arrive que l’administration se fasse l’écho de ces craintes et espoirs, à l’exemple de ce courrier sur les bouteilles à la mer.

Quoi de plus fragile que ces messages envoyés avec l’attente presque inespérée d’une réponse ? Et pourtant, ces bouteilles à la mer sont aussi des objets, extrêmement matériels, qu’il s’agit de traiter avec sérieux et prudence quand les questions sanitaires s’en mêlent…

Loin de la magie et du mystère de ces objets, découvrez l'une de ces ordonnances de l’Administration sur le traitement à réserver à ces bouteilles renfermant un papier !

Intendance Sanitaire de Bayonne
Départemens des Landes et des Basses-Pyrénées
Police sanitaire
Les papiers que contiennent des bouteilles fermées jettées épaves sur la Côte doivent être extraits par les soins des administrations sanitaires.
Le 28 novembre, envoyé copie aux agens sanitaires

Bayonne, le 22 novembre 1830
Monsieur le Président,
M. le Commissaire principal de la Marine à Bayonne a transmis à l’Intendance copie d’une dépêche de M. le Ministre de la Marine concernant les mesures à prendre à l’égard des bouteilles fermées et contenant des papiers, qui viennent parfois épaver sur la Côte.
Il en résulte que ces bouteilles doivent être remises à l’Autorité Maritime qui se concerte avec l’Autorité Sanitaire pour l’ouverture de ces bouteilles et l’Extraction de leur contenu, de manière que les purifications qui peuvent être jugées nécessaires soient régulièrement et convenablement effectuées.
Les papiers extraits des bouteilles sont rendus à l’Administration de la Marine qui leur donne ensuite la direction convenable.
Veuillez bien assurer l’exécution de ces mesures dans l’Arrondissement de votre commission et m’accuser la réception de la présente.

A Monsieur le Président de la Commission Sanitaire, à St-Jean-de-Luz

Ce document anecdotique est pourtant révélateur de son époque. Il montre que les ports sont des lieux particulièrement surveillés par les services sanitaires des douanes. Et pour cause, lieu de transit, ils voient circuler de nombreux individus. On garde en mémoire la peste de Marseille en 1720, arrivée par le port, et ses conséquences. Cette surveillance s’applique aux équipages comme aux marchandises, mais aussi plus généralement à tout ce qui transite par le port.

Le vocabulaire utilisé par l’administration sanitaire est aussi caractéristique du XIXe siècle, où la question du sain et du malsain dans la gestion de l’hygiène publique est centrale. Il n’est pas anodin que les mesures sanitaires à prendre soient résumées sous le terme de « purification ». (Pour aller plus loin, Le sain et le malsain, Santé et mieux être depuis le Moyen-Âge ; G. Vigarello).

Et pour le lecteur contemporain, cette lettre rappelle que ce moyen de communication n’est pas qu’une réalité littéraire mais aussi une réalité historique ! Le contenu des messages reste lui un mystère…