Les frères Wright

2021

La conquête du ciel

En 2021-2022, les lecteurs s'emparent des "Documents du mois".  Douze d'entre eux ont composé le comité de rédaction du site internet des Archives départementales. Ils ont rédigé les rubriques publiées mensuellement pour vous faire partager leurs recherches, leurs découvertes et leurs émotions. Découvrez chaque mois un nouveau rédacteur et son texte.

Photographie de Paul Mirat

Paul Mirat est passionné par l’histoire de sa ville et de sa région. Il a beaucoup étudié les thématiques propres à l’histoire paloise, dont l’aviation et les activités équestres.
Il propose ici un récit retraçant l’arrivée des frères Wright, pionniers de l’aviation, à Pau et narrant leurs premiers exploits. Les cartes postales de promotion de ces événements illustrent son propos. Paul Mirat a retracé l'histoire complète de ces événements dans son ouvrage Autrefois Pau l'aviation.

Contexte

Les frères Wright, Wilbur (1867-1912) et Orville (1870-1948), sont originaires de Dayton (Ohio), où ils fondent une imprimerie et un journal avant de se tourner vers la fabrication et réparation de bicyclettes. En 1889, ils découvrent les exploits des premiers planeurs. Ils s’initient alors au sujet, lisent les – rares – ouvrages publiés sur le vol humain et réalisent leurs premières constructions de planeurs. En France, les essais se multiplient également pour réussir les premiers vols, à l’instar des frères Voisin, du capitaine Ferber ou de Louis Blériot, mais aussi d’Octave Chanute, ingénieur franco-américain avec qui les frères Wright vont correspondre et échanger. En 1902, ne trouvant personne pour concevoir le moteur dont ils ont besoin et bien qu’autodidactes, ils le fabriquent eux-mêmes. C’est ainsi qu’Orville réalise le 17 décembre 1903 le premier vol motorisé à bord du Flyer. Un homme d’affaires français, Lazarre Weiller, qui a entendu parler des essais des frères Wright, leur offre 500.000 francs contre l'achat d'un appareil, la preuve qu'il peut voler plus d'une heure avec un passager, et la formation de trois élèves pilotes. Les Wright s'attachent les conseils d'un homme d'affaires américain installé à Paris, Hart Berg, le contrat est signé, il n'y a plus qu'à se rendre en France pour en accomplir les clauses. À ce moment précis, ne voulant pas se faire doubler par la France, la république américaine prend la mouche et demande elle aussi des démonstrations de la première machine volante. Les deux frères se sépareront pour la première fois de leur vie : pendant qu’Orville prépare l’appareil qui sera présenté aux autorités américaines, Wilbur embarque pour la France. D'août à décembre 1908, Wilbur fera ses démonstrations au Mans.

Les premiers vols en France

Grâce à Gérard Bollée, industriel manceau de génie qui a mis hangars et outillage à sa disposition, le 8 août 1908 Wilbur Wright prouve au monde qu’il est le premier à piloter un engin plus lourd que l’air, motorisé et contrôlable. Henry Deutsch de la Meurthe et Ernest Archdeacon, mécènes de l'aviation, habitués des hivers palois, piliers du Cercle Anglais de la place Royale, sont admiratifs. À côté d'eux, Louis Barthou, ministre des Transports et Louis Blériot, "L'homme qui tombe toujours".

Dès le premier essai, et sans forcer son talent, Wilbur explose tous les records existants, altitude, longueur, vitesse, durée. Les Français qui volaient déjà mais en ligne droite voient Wilbur leur faire des huit sous le nez. Quand le Flyer se pose, Blériot regarde le système de gauchissement de l’aile, génial de simplicité, inventé dit la légende grâce à un emballage de tube de colle.

Le 8 octobre, Wilbur effectue six vols de quatre à cinq minutes chacun, avec passagers. Madame Berg déclarera ne pas avoir eu peur un seul instant ! Les élèves eux ne sont toujours pas conviés, ils attendent sagement !

Toujours au Mans, en septembre, le Flyer effectue 11 sorties dont deux dépassent l'heure de vol et trois sont effectuées avec passager. Au mois d'octobre il réalise six sorties avec passager dont trois d'au moins une heure. Le 13 novembre l'aéroplane s'élève à 90 mètres ; le 18 décembre il effectue deux vols dont le premier de deux heures. Au second essai il pulvérise son propre record de hauteur, suspendu à 115 mètres du sol. Le 31 décembre, impérial, il vole 124 kilomètres en 2h20. La première clause du contrat est remplie. Il lui reste maintenant à former les élèves.

Pendant que Wilbur savoure son succès, les 3 élèves pilotes, deux fameux aérostiers installés à Pau, Paul Tissandier (1881-1945), et Charles de Lambert (1865-1944), choisis par l’Aéroclub de France et le capitaine Paul Lucas Girardville désigné par l’Armée, s’impatientent au bord de la piste. On entre dans la mauvaise saison, pluie et vent sévissent en Mayenne, quand Tissandier contacte son ami palois Henri Sallenave et le charge de porter à Wilbur Wright les relevés météorologiques de la capitale du Béarn, données collectées par le Docteur Meunier. C’est ainsi que la ville de Pau sera choisie, pour la clémence de ses hivers mais aussi en raison de la présence d'une clientèle cosmopolite fortunée.

L’école paloise

Grâce aux relevés du Docteur Meunier, Paul Tissandier convainc l'homme d'affaires des Wright, Hart Berg qui descend en Béarn étudier avec le maire de Pau la possibilité d'ouverture de la première école au monde de pilotage d'aéroplanes. Outre la température clémente, Berg découvre que la ville regorge de familles britanniques, américaines du Nord et du Sud, Italiennes, Espagnoles, Russes ou Allemandes qui ne demandent qu'à se laisser griser par les joies du Sport. De plus, les hôtels sont luxueux et tout le monde ou presque y parle anglais.

Avec l’aval du Comité d’Ossau, propriétaire des landes du Pont-Long, le maire Alfred de Lassence fera faucher plusieurs dizaines d'hectares et confiera à un entrepreneur palois la construction d'un hangar selon les plans de Wilbur. L'affaire est rondement menée, le Flyer maculé d’huile et de boue, quitte Le Mans et arrive à Pau par voitures rapides le 19 janvier 1909.

Wilbur et Orville, riches des 500.000 francs du contrat initial, des 200.000 francs du contrat la France, des 200.000 francs du prix Michelin remporté le 31 décembre 1908 au Mans et de la vente de dizaines d'appareils regagnent Dayton en héros nationaux. De cette épopée paloise restent quelques cartes postales et plaques de rues, une chapelle restaurée avec passion par des bénévoles, Les Amis de la Chapelle de l'Aviation, et un bronze de Gabard déplacé en 2014 devant l'entrée de l'aéroport Pau-Pyrénées auquel les architectes Camborde et Lamaison ont donné la silhouette du Flyer.

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