Étrangères par le mariage

2023

Évolution législative sur la nationalité

La nationalité, définition et enjeux

Pour comprendre le droit des femmes à travers les deux derniers siècles, on évoque souvent la question du droit de vote ou la question des héritages. Mais un autre sujet a longtemps marqué une différence de droit entre les hommes et les femmes : celui de la nationalité.

La nationalité se définit en droit français comme le lien juridique qui rattache une personne physique à un État et qui consacre l’appartenance de cette personne à la population de celui-ci. La Révolution française, qui lie la notion de nationalité à celle de citoyenneté lui donne une dimension politique.

Mariage et nationalité dans le Code civil

Après la Révolution, la question de l’acquisition de la nationalité française est régie par l’article 19 du Code civil de 1804 : « Une femme qui épousera un étranger suivra la condition de son mari ».

L’article 12 précise que « l’étrangère qui aura épousé un Français suivra la condition de son mari. » Ce qui prévaut est donc l’unité familiale. La femme lors du mariage fait ainsi l’objet d’un transfert de famille mais aussi de nation. Le Code civil fait valoir une présomption de consentement : la femme qui épouse un homme d’une autre nationalité sait qu’elle va perdre la sienne et l’accepte de facto.

Les évolutions législatives

Ces principes vont cependant faire naître des situations d’apatrides, ou heimathlosen, ou de bi-nationaux lorsque les législations nationales n’adoptent pas les mêmes principes. Ils font l’objet de remises en question entrainant des modifications de la loi. Plus globalement, l’évolution des règles juridiques sur la question est le fruit et le reflet des préoccupations démographiques, économiques et politiques des deux derniers siècles : besoin de soldats ou de main d’œuvre entrainant des assouplissements de la loi par moments, méfiance et contrôle par d’autres.

Demande de réintégration de la nationalité française. On notera que la demande est accompagnée de l'autorisation du mari (13 W 23)
Déclaration en vue de recouvrir la nationalité française (1013 W 80)

Chronologie

  • Code civil de 1804 : principe selon lequel la femme suit son mari.
  • Loi du 26 juin 1889 : précision de l’art 19 du Code civil : la femme suit la condition de son mari « à moins que son mariage ne lui confère pas la nationalité de son mari, auquel cas elle reste Française.
  • Loi du 10 août 1927 : abandon du principe de l’unité de nationalité dans le mariage. L’indépendance des époux s’affirme, notamment pour l’étrangère épousant un Français.
  • Décret-loi du 12 novembre 1938 : suppression des cas de changement automatique de nationalité des femmes lors du mariage. Le changement de nationalité ne peut se faire qu’avec la volonté de celle-ci.
  • Ordonnance du 19 octobre 1945 : constitution d’un code de la nationalité.
  • Loi de 1973 : égalité des hommes et des femmes dans le mariage. Le mariage n’entraine plus d’effet de plein droit sur la nationalité. Il est nécessaire de faire une déclaration pour l’homme et la femme pour changer de nationalité.
Décret de réintégration dans la nationalité française de Marie-Madeleine Kammerer (6 M 42)
Demande de réintégration de nationalité : renseignements sur la situation de Marie-Madeleine Kammerer (6 M 42)

On retrouve donc dans les archives de multiples traces de ces parcours de vie : les demandes de carte d’identité d’étranger des femmes ayant perdu la nationalité, les demandes de naturalisation ou de réintégration de femmes dans la nationalité française après leur mariage.

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