Missives féminines

2023

La correspondance des femmes aux archives

La correspondance est une typologie documentaire extrêmement présente dans les fonds d’archives. Alors bien sûr, il y a là traces des femmes. Mais parce que cet écrit du quotidien a parfois été dénigré, parce que les correspondances de femmes ont souvent été traitées avec moindre intérêt mais aussi parce qu’elle étaient moins lettrées que les hommes, , trouver les lettres de femmes n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Deux femmes, archivistes, prennent à leur tour leur plume et nous font découvrir par leurs missives la richesse et la diversité des correspondances féminines.

Lettre I - Gab à Cloé

Bonjour Cloé,

J’espère que tu vas bien. J’ai commencé à faire quelques recherches sur la correspondance féminine pour le document du mois de juillet. Je me suis naturellement tournée vers les fonds privés, car je pense que ce sont ceux qui sont le plus susceptibles de conserver ce que nous recherchons. J’ai effectué un tri rapide dans les fonds conservés au pôle d’archives de Bayonne et ai ciblé en priorité les fonds de familles, car qui dit correspondance féminine dit, selon moi, écrits personnels, intimes et donc familiaux.

J’ai choisi tout d’abord d’explorer la correspondance de la famille Perret et notamment de 3 femmes, Emma d’Abbadie, première épouse de Joachim Perret, et leurs deux filles Clarisse et Aricie Perret.

Dans une lettre conjointe à leur père et époux, Clarisse, Aricie et Emma déclarent leur attachement à celui qui voyage souvent et passe beaucoup de temps si loin. Elles soulignent l’importance de leurs échanges épistolaires, seule façon de se sentir proche. Entre mots tendres et anecdotes de la vie quotidienne, l’écrit féminin est l’expression du cœur.

Tu me diras ce que tu en penses.

GAB

Le fonds Perret (150 J)

Ce fonds familial conserve essentiellement les archives de Louis-Mamert-Noël Perret (1752-1838) et son fils aîné Joachim (1806-1879). Originaire de Pont d’Ain (Ain), Louis Perret s’installe au Pays basque en 1776 en tant que capitaine général des fermes du roi. Il épouse Suzanne Labat, fille de propriétaires terriens de Sault et s’installe à Bidache qui deviendra la maison familiale, encore à ce jour. Son fils, Louis-Joseph dit Joachim, naît d’un second mariage avec Catherine Sartuque, elle aussi fille de propriétaires terriens, cette fois-ci de Bardos. Joachim est médecin. Il s’installe entre Bidache et Bayonne et occupe plusieurs postes à responsabilité. De cette union naissent deux filles, Clarisse et Aricie qui décèdent toutes les deux en 1855 de l’épidémie de choléra qui sévit dans la région. Deux ans plus tard, sa femme est également emportée par cette même maladie.

Voir l’inventaire du fonds sur earchives.

Document 150 J 141.- Lettres d’Aricie et Clarisse Perret et d'Emma à leur père et époux, Joachim Perret. 1837.

Transcription de cette lettre

Bayonne, le 22 Mars 1837
Mon cher Papa,
C’est avec le plus grand plaisir que nous avons reçu de tes nouvelles, car il nous tardait bien de savoir comment tu avais fait ton voyage tu regrettes que nous ne soyons pas venues avec toi en effet il fait un si beau temps que nous regrettons bien de ne pas être à la campagne mais nous espérons réparer bientôt cela. Je n’ai rien de nouveau à t’annoncer d’ailleurs dans l’espace d’un jour il ne peut pas s’y passer grand-chose. Lamouche a écrit ainsi que Mr Daudignon et un paysan est venu aussi s’offrir pour Chichète ainsi que tu vois que pendant que tu es à Bidache on te cherche à Bayonne et alors on n’a pas danger de te trouver. Il me tarde que tu es fini tes occupations pour te voir revenir. Il faut que je te quittes car je m’y suis prise un peu tard pour t’écrire et je ne songe pas que maman et Clarisse ont encore besoin d’y ajouter quelques mots à ma lettre. Adieu mon cher papa je t’embrasse de tout mon cœur ta fille dévouée.
                                            Aricie Perret

Mon cher Papa
Je viens ainsi qu’Aricie à déjà fait te remercier de nous avoir donné de tes nouvelles car nous avions de la peine de t’avoir laisser partir par eau. Il nous a été fort agréable d’apprendre que tu avais fait la moitié de la route en très bonne compagnie et je vois que toi aussi tu n’as pas été contrarié de trouver la diligeance. Nous avons eu Hier la visite de monsieur Tachons. Tu peus voire qu’il ne [me] tarde bien que pâque arrive pour aller revoir Bidache car le temps est si beau qu’on ne pourrait vivre plus longtemps s’en voir la campagne. A dieu chère Papa je suis obligée de te quitter si vite parceque je ne plus de place et que maman doit aussi t’écrire A dieu je t’embrasse de cœur ta fille qui t’aime        
Clarisse Perret

Je craigné mon tré cher ami d’une pas avoir de tes nouvelles aujourd’hui ayant oublié de te dire de nous écrire et ensuite le bonheur que tu as eux de faire ta route assé vite étant loin de ma pensée, je craigne qu’il ne fut tré tar a ton arrivée a bidache. Lencien domestique de Mr Picot marie ave la domestique de bida[ch]e est venu ce présenté pour Chichète, jaccot lui éyant dit que lui ni allait pas mais qu’il y fait des terres je ne pui comprendre cet dern[ière] dabord pour quoi faire courir cet homme malgré qu’il cet que tu doi aller a bi[dache] et ensuite pour lui-même je croie bien qu’[il] faut qu’il prenne un partie car pour resté. Je croie que cela ne vodrait rien pour nous il sont beaucoup de monde et pas une tête de bonne et louin des auberge sa vaudra mieux pour lui. Je tenvoie les 2 barills, la dame jeanne, les 6 grands sacs des épi et 19 sac des petis. Lhomme qui est venu ce présenté cerait peutêtre mieux que celui du hillon pour hi resté voir il doit aler te trouvér. Il faut que tu ailles aussi chez Mr Dodignon pour régler sur ses médicaments il a écrit a cet sujet, insi que Lamouche pour son echala et les peuplié. Il a resté a bidache 1 sac lorsque tu a fait porte les derniers jambon. Rappelle toi qu’il nous faut des pommes de terre et des fève et si tu veu fai les porté toute une misaire pour lo.
Adieu mon ami je t’embrasse

Lettre II - Cloé à Gab

Bonjour GAB,

L’histoire de ces trois femmes mortes dans des conditions tragiques est particulièrement touchante. Joachim, si entouré, a dû ressentir un deuil éprouvant.

J’ai moi aussi cherché des lettres de femmes dans les archives du site de Pau. Ma première idée a été de cibler des fonds privés dont les producteurs sont des femmes. Ce n’était pas la bonne démarche, car les lettres de femmes sont en fait plus fréquentes dans les courriers reçus par les hommes.

Je me suis intéressée au fonds de la famille Faget de Baure, dont le représentant le plus illustre, Jacques (1755-1817), fut avocat et grand historien du Béarn. Dans la correspondance de son fils Henry Faget de Baure (1802-1885), j’ai trouvé les lettres que sa mère, Sophie Daru, lui a adressées tout au long de son existence, pendant trente-et-un ans. J’ai choisi la première des lettres, envoyée à son fils âgé de 10 ans. Il suit alors les traces de son père en étudiant au collège de Juilly. Cette séparation précoce est l’occasion de beaucoup écrire pour donner des conseils, quelques nouvelles, et toujours rappeler l’importance de répondre par écrit à un jeune garçon qui a bien d’autres activités en tête.

J’ai été sensible à cette correspondance précieusement conservée par Henry et qui nous est parvenue par-delà les siècles.

Je te dis à mardi,
Cloé

Document 1 J 61/38 - Lettre de Sophie Faget de Baure née Daru à Henry son fils. 1812.

Transcription de cette lettre

Paris le 21 avril 1812 (Henry a 10 ans)

Monsieur Crénière et Mr Labarte m’ont écrit pour me donner de tes nouvelles mon cher Enfant. On me dit que tu te portes bien et que l’on est content de toi, cela me fait bien plaisir. Je te demande de continuer. Je veux aussi que tu t’amuse bien, que tu courres, que tu sautes, et que tu soyes bien gai. J’ai été chercher ton portrait chez Mr Boilly. Je l’ai mis dans le salon à côté de la cheminée, je le regarde souvent dans la journée et je crois te voir. Mon cher Enfant, je t’aime beaucoup, et comme je ne peux pas faire la conversation avec toi, je voudrois bien que tu m’écrivisses quelques fois, cela me dédomagerait de ce que je ne peux pas être avec toi. Dis moi si tu as besoin de quelque chose je te l’envérai. Ton papa ira te voir dans quelques jours, pour moi je suis obligée d’attendre qu’il fasse plus chaud a cause de Charlotte qui est enrhumée. Sophie me charge de te dire qu’elle t’écrira bientôt et qu’elle sait bien faire une h.

Adieu mon enfant je t’embrasse de tout mon cœur.

Daru Baure

A Monsieur Henry Baure à Juilly

Lettre III - Gab à Cloé

Bonjour Cloé,

Ah, l’amour d’une mère ! Nous connaissons bien cela toi et moi. J’ai pour ma part continué mes recherches dans les fonds de Bayonne à la recherche d’une lettre en basque. Eh oui, s’il y a bien des fonds dans lesquels l’euskara peut se trouver, ce sont bien ceux-là ! Je me suis rappelée des lectures d’archives réalisées en 2011 dans le cadre de l’exposition « L’Argentine des Basques », sur le thème de l’émigration. J’ai trouvé une lettre en souletin d’une jeune fille à sa famille mais elle n’était pas traduite, et je n’avais pas le temps de le faire. J’ai alors demandé à Tere si une traduction existait, et elle m’a renvoyée vers une lettre utilisée par le service éducatif dans l’atelier sur l’émigration. J’ai été très surprise de découvrir la cote de cette lettre, 3 U 5/877.

Il s’agit d’affaires jugées relatives à des affaires graves : complicités de désertion, tentatives de meurtres,  exploitations illicites d’or, coups et blessures et vols et détention d’explosifs, auprès du Tribunal de première instance de Saint-Palais !

Après enquête auprès de Robert, le professeur du service éducatif, j’ai appris que la lettre qui nous intéresse a été saisie lors d’une perquisition pour complicité de désertion. Elle est écrite par une jeune fille, prénommée Mari, dont la famille a émigré à Buenos Aires (Argentine) et qui écrit à son oncle resté en Soule, en 1917. Elle écrit en basque, sa langue maternelle, celle qui, à 10 000 km, la lie au reste de sa famille. Son courrier est porteur d’une grande nouvelle qu’elle tient à partager : celle de sa réussite professionnelle et de la fierté de sa famille et surtout de son père qui lui fait faire une photographie pour célébrer cette réussite. Ce portrait accompagnera le courrier de Marie pour appuyer, par l’image, les émotions de fierté déjà couchées sur le papier.

Bien à toi,

GAB

Document 3 U 5/877.- Lettre de Marie Arricau, émigrée souletine à Buenos Aires (Argentine) à son oncle, le 26 avril 1917.

Traduction de la lettre

Buenos Aires, le 26 avril 1917,

Mon cher oncle,

Je prends un moment pour vous donner de mes nouvelles et en même temps pour savoir des vôtres. Cher oncle ici nous avons tous une bonne santé. C’est le plus important, merci au bon Dieu. Nous vous souhaitons la même chose à tous quand vous recevrez cette lettre et toute la vie. Mon cher oncle moi je pense que vous raconter quelques nouvelles. Cela fait un an que je n’ai pas reçu de lettre de là-[bas] et sans avoir de vos nouvelles. Mais vous me pardonnerez, je n’étais pas à la maison et encore je n’y suis pas passé jusqu’à ces deux derniers mois. Après oui, je pense que je serai à la maison. Mon père m’avait mis à l’école et maintenant j’ai terminé l’école à la fin de l’année. J’étais dans une école de couture et j’ai gagné beaucoup de beaux prix, les prix les plus importants et je suis rentrée professeure, et j’ai obtenu le diplôme et la plus belle médaille. Tous à l’école étaient étonnés, moi qui étais de [leur?] âge, [parce qu’]en une année, j’avais pris cet emploi, et partout mon nom et mon portrait sont répandus dans tous les journaux. Mon cher oncle, mon père est très content de moi et il ne sait pas quoi faire. Il ne fait confiance qu’en ma parole. Auparavant, ils avaient tous quelque chose [à dire] sur moi. Maintenant mon père comprend qu’ils sont tous jaloux de moi. Les enfants de Tante Marie ne peuvent pas me voir devant eux.

Maintenant Juanita Eva est en train de s’en sortir comme moi mais je ne sais pas comment ça s’est passé pour elle.

Maintenant je suis contente, car mon père comprend très bien de quel côté penche mon cœur. Il est tellement content qu’il ne sait que faire à cause de l’émotion. Il m’a fait une grande fête.

Et moi avec plus de volonté, je fais sa fierté, puisque je sais qu’il n’écoute pas les paroles des gens, mais seulement les miennes, et moi je suis très contente de donner cette instruction. Et maintenant, je vous envoie la photo que mon père a fait prendre pour moi, je jour où j’ai gagné les prix. Je l’envoie ici comme souvenir. Maintenant, je suis tranquille, mais après avoir fait des sacrifices, et m’être échauffé la tête.

Lettre IV - Cloé à Gab

Chère GAB,

Ici à Pau, les inondations dues aux orages nous ont particulièrement préoccupés. Je trouve tout de même un moment pour continuer à explorer les fonds privés.

Dans les très riches fonds collectés par le Centre d’étude du protestantisme béarnais, j’ai repéré l’un des derniers classé. Il s’agit du fonds de la famille Delpech et de ses alliés, le 60 J 664.
Jeanne Rivet est la deuxième épouse du pasteur de la fraternité d’Oloron, Jacques Delpech, et est elle-même fille d’un pasteur lyonnais. De 1925 jusqu’au décès de sa belle-mère Henriettte Delpech née Oberkampf en 1949, les deux femmes vont échanger une correspondance très suivie de plusieurs lettres mensuelles, intégralement conservée pour Henriette Delpech et dont quelques lettres nous sont parvenues pour Jeanne Rivet. Si tu veux en savoir plus sur Jacques Delpech et sa famille, je t’invite à consulter cet article du bulletin 47 du CEPB.

Les premières lettres de Jeanne, écrites en décembre 1925, sont très formelles, faisant usage du vouvoiement et du « chère Madame ». Dès le 24 janvier 1926, elle appelle sa belle-mère « chère Maman » et la tutoie ; le mariage est célébré en avril 1926.

On trouve au long de cet échange épistolaire des mentions très détaillées de l’activité de son époux, en mission évangélique en Haut-Aragon par exemple,  et de ses activités à elle : œuvres de charité, enseignement de la lecture à sa fille, gestion de la domesticité, et surtout des annotations très touchantes sur l’évolution des enfants. Il est ici notamment question de Claire née en 1922 du premier mariage de Jacques Delpech, et de son premier-né André.

La lettre que j’ai choisie, datée de1927, est truffée d’anecdotes quotidiennes. Elle évoque notamment une pratique que les Béarnais continuent à adopter : les achats des chocolats de Noël à prix réduit à la chocolaterie d’Oloron-Sainte-Marie.

Je te dis à bientôt, et ai hâte de découvrir la prochaine pépite que tu vas dénicher dans les lettres de nos aïeules.

Bien à toi,
Cloé

Le fonds du centre d’étude du protestantisme béarnais ou CEPB (60 J)

Cette correspondance fait partie du fonds du CEPB, déposé aux Archives départementales depuis 1988, et qui s’enrichit toujours grâce au dynamisme des membres de cette association.

Sa mission première est de conserver la mémoire du protestantisme en Béarn. C’est ainsi que de très nombreuses familles lui ont confié la garde et la description de leurs documents.

Les fonds sont très riches de correspondances, photographies, et autres documents iconographiques, journaux intimes de femmes et filles de pasteurs, livres de raison et bibles familiales qui permettent d’étudier l’histoire des sensibilités.

Voir l’inventaire du fonds sur le site du CEPB [site consulté le 30/06/2023].

Document 60 J 664/22 Henriette Delpech née Oberkampf : lettres de sa belle-fille Jeanne Rivet, 1925-1949.

Transcription de la lettre

Oloron, 10 décembre 1927

Ma chère Maman,

Merci de ta lettre que nous avons reçue hier, mais je n’ai pu répondre plus vite, car hier nous  nous sommes plongés dans une grande répartition de vêtements usagés, dont ceux venus de Roche ou envoyés par Louise, qui nous ont permis de faire de plus jolis paquets. Ce fut très compliqué comme répartition, ils sont si facilement jaloux les uns des autres. Cette après-midi, nous avons fait les paquets, il n’y aura plus qu’à les porter maintenant. Hier nous avons eu un brouillard intense, il me semblait être à Lyon ! Ce matin, il était beaucoup plus léger, s’est vite élevé et nous avons fait une grande promenade ce matin, Claire et moi. André est resté sur la galerie de 10h¼  à 4h. Les deux enfants continuent à aller très bien.

Nous sommes bien contents de ce temps, car il a l’air de vouloir durer, et lundi Jacques doit transporter à Pau Lucie Cadier, la femme du missionnaire, qui a un début de mal de Pott et doit être mise dans un plâtre. C’est un transport un peu compliqué, et nous aimerions le beau temps. Raymond Puente a fait toute une installation dans l’auto pour pouvoir poser facilement la planche de son lit.

Jacques est allé ce matin à la chocolaterie et il a vu Mr Cintré ; les boîtes ne pourront être livrées que lundi, j’espère qu’elles arriveront à Père sans trop de retard. Il y a moins de variété de boites qu’autrefois, mais la spécialité de Rozan le « Pyrénéen » est excellente. Les boîtes sont à 26 f., en magasin elles vaudraient sans doute au moins 50 f.

J’ai mis ce matin à André une de tes petites barboteuses. Elle lui va très bien et le voilà bien monté. Merci beaucoup. Nous sommes bien contents que vous ayez la visite d’Huguette pour Noël puisque vous ne pouvez avoir aucun de vos enfant. Jacques ira à Roche pour le 2 janvier, j’aimerais l’accompagner, mais je crois que je me réserverai pour le voyage à Lyon.

Nous n’avons toujours pas de réponse de la Hollandaise, et commençons à nous demander si nous trouverons quelqu’un. C’est plus difficile que nous ne pensions. Oloron fait peur à tout le monde comme étant trop éloignée et les étrangères préfèrent aller à Paris.

Au revoir, ma chère Maman,  nous vous embrassons bien tendrement.

Jeanne

Lettre V - Gab à Cloé

Bonjour Cloé,

J’ai aussi pensé à cette lettre, de cette mère de famille, conservée sur le site de Pau, que nous avions utilisée lors de l’exposition « TRANSports : du transport au sport » en 2018, pour illustrer la thématique du hippisme.

Il s’agit d’une mère de famille, qui écrit au préfet des Basses-Pyrénées, en 1937 pour lui exposer son désarroi face aux paris hippiques qu’elle considère comme un fléau qui détruit de nombreuses familles de la classe ouvrière. Ce courrier, très formel, puisqu’il s’adresse à une administration, vise à dénoncer une situation qui porte atteinte à l’ordre public et à l’équilibre personnel des administrés. Cette plume féminine ne se contente plus de dépeindre une activité quotidienne. Les mots ne sont plus ceux de l’attachement ou de l’émotion. Ils deviennent militants voire accusateurs.

J’aime beaucoup. Et toi ?

GAB

Document : 4 M 86/7.- Lettre d'une mère de famille bayonnaise au Ministre de l'Intérieur pour dénoncer les paris clandestins à Bayonne. 3 août 1937

Lettre VI- Cloé à Gab

Bonjour GAB,

La dernière missive que tu m’as donnée à lire m’a beaucoup surprise. Je m’attendais à une dénonciation morale, absolument pas à une lettre de délation aussi précise et circonstanciée. Je ne sais pas si elle a été suivie d’effets, mais cette lettre anonyme est très véhémente.

Nous nous sommes toutes les deux rendu compte au cours de nos recherches que les femmes écrivaient beaucoup pour donner et prendre des nouvelles, évoquer leur sentiment et des anecdotes du quotidien, à elle ou à leur époux. La correspondance était une activité qui occupait une part importante de leur temps, y compris dans un milieu plus modeste comme celui des Perret.

En incorrigible exploratrice d’archives privées, j’ai cherché une lettre d’affaires rédigée par une femme.

Elles ne sont pas les plus fréquentes, mais tu sais que les veuves pouvaient gérer les biens hérités de leur époux. Je me rends compte que ce n’était pas toujours simple, et me demande avec cette lettre isolée cotée 1 J 785, si elles n’étaient pas parfois victimes de leur sexe.

J’ai hâte de te retrouver pour la réunion de service à Bayonne,

Passe un bon week-end,

Cloé

Document 1 J 785. Lettre de Mme Rouset Bruguiere à Monsieur Prat, 1790.

Transcription de la lettre

Arudy le 18 may 1790

Monsieur,

J’ay receu une lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’ecrire en datte du 14 du courant par laquelle vous me demandé de vous faire compte dans la huitaine la somme de 197 [livres] 1 s[ol] 13 d[eniers] que vous devé prendre de feu Rouset mon mari et dont je suis lheritiere.

J’auray lhonneur de vous observer Monsieur que ce n’est pas fautte de bonne volonté que vous n’avez pas été payé jusqu’à present ne m’ayant pas été possible de vendre du vin de mes metairies non plus que de recouvrer un sol de mes debiteurs contre lesquels je suis obligé de me pouvoir par la voye du droit.

Ainsi Monsieur je vous prie de vouloir bien maccorder du temps moral pour me mettre à sortie de vous satisfaire ce qui m’est autrement impossible. Jose me flatter Monsieur que vous voudrez bien m’accorder cette faveur.

En attendant j’ay l’honneur detre parfaitement Monsieur votre très humble et obeissante servante.

De Rouset Bruguiere

A Monsieur Prat marchand à Oloron

Lettre VII - Gab et Cloé aux internautes

Ces recherches sur le thème de la correspondance féminine nous ont fait plonger dans l’ordinaire de celles qui écrivent.

Missives le plus souvent rédigées pour donner et prendre des nouvelles, elles sont restées pendant longtemps le lien entre deux êtres séparés par la distance, mais pas par le cœur. Les femmes écrivent pour se raconter, elles et leur quotidien. Elles écrivent pour se rassurer de la santé de l’autre, se réjouir d’un évènement, en pleurer d’autres ou exprimer leurs idées.

Les lettres témoignent des préoccupations, des rêves, des émotions et des luttes des femmes, reflétant les évolutions sociales, politiques et culturelles de leur époque. Elles sont une source précieuse pour écrire l’histoire des sensibilités, mais aussi apporter parfois un nouvel éclairage sur leur époux lors de la rédaction d’une biographie.

Les femmes - pas toutes car pendant des siècles, seules les femmes d’une classe sociale élevée savaient écrire- se sont adonné à cette activité qui, au contraire de beaucoup d’autres, ne leur était pas interdite.

Au cours des siècles, la correspondance féminine va évoluer autant que la condition de la femme.

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