Passé violent

2023

La condamnation juridique des violences faites aux femmes

Les actualités des dernières années ont mis au centre du débat social les violences faites aux femmes et leur condamnation dans la société française contemporaine. Les Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques vous proposent aujourd’hui de découvrir trois traces anciennes de ces violences. S’ils témoignent de la perpétuation de ces agressions, ces documents montrent également quel regard était porté sur celles-ci. Il ne s’agit pas de fournir un tableau exhaustif, mais de présenter des pistes de réflexion et de recherches sur la situation des femmes.

1696, le viol comme trouble à l’ordre moral et social

Dans les registres secrets des chambres assemblées du Parlement de Navarre, on trouve à la fin du XVIIe siècle des mentions d’ordres donnés par le Parlement aux jurats de Pau afin d’arrêter le viol des filles dans la rue (B 4543). Cette condamnation du viol n’est pas isolée dans l’ordonnance ici présentée. Plusieurs troubles à l’ordre moral et social restés trop peu impunis font l’objet de ce rappel aux ordres : le non-respect des temps maigres de Carême, les troubles nocturnes, la non prise en charge des enfants nés hors mariage par leurs pères. On note d’ailleurs que la condamnation du viol est une condamnation de l’agression sur la voie publique.

Consulter la transcription intégrale du document.

Extrait du registre des chambres assemblées (B 4543)

1898, le respect de la femme mariée

Le dépouillement d’une année d’ordonnance sur requête donne une image de la réalité du couple. En 1898, pour le tribunal de première instance de Pau (documents conservés sous la cote 3 U 4/533), 21 demandes de séparation de biens sont formulées, 10 demandes de séparation de corps, une demande de séparation de biens et de corps et 12 demandes de divorce.
Dans cet ensemble, les hommes ne sont à l’origine que de 4 requêtes, soit 9% de celles-ci. Il ne s’agit alors que de demandes de divorce.

L'ordonnance sur requête

Dans la justice civile, la requête est une demande écrite adressée directement à un magistrat sans mise en cause d’un adversaire. Il y est répondu par une ordonnance (l'ordonnance sur requête) de caractère provisoire, exécutoire sur minute et susceptible de rétractation.

Le divorce

Le divorce, ou rupture légale d'un mariage civil, est institué en 1792 en même temps que le mariage civil. Il est confirmé par le code civil de 1804 mais avec des conditions beaucoup plus restrictives pour le divorce par consentement mutuel. Dans les faits, le divorce est donc prononcé pour faute d’un des deux époux. Le divorce est supprimé par la loi du 8 mai 1816 et rétabli par la loi Naquet du 27 juillet 1884. Le divorce n’est alors prononcé que pour faute (adultère, condamnation à une peine infamante, excès, sévices et injures).

La procédure est la même pour un divorce ou une séparation. Le juge civil reçoit les époux, tente une conciliation et décide du bien fondé de la demande. Il prononce le divorce ou la séparation aux torts de l’un ou l’autre ou aux torts partagés.

La séparation de biens

Il s'agit d'un régime matrimoniale caractérisé par l’absence de biens communs et de passif commun aux époux. Les deux époux disposent librement de leurs biens. Elle peut être stipulée dans le contrat de mariage ou prononcée par décision judiciaire lorsque les affaires d’un époux sont mal administrées ou que son inconduite met en péril les intérêts de l’autre conjoint.

La séparation de corps

C'est le relâchement du lien conjugal consistant à la dispense du devoir de cohabitation. Les devoirs de fidélité et d’assistance entre époux demeurent. La séparation de corps est possible sans interruption depuis 1792.

Les requêtes formulées fournissent de nombreuses informations sur le quotidien des couples. Elle présente la situation du mariage et égraine les griefs à l’encontre du mari (ou de l’épouse). À leur lecture, on note ainsi que l’insulte verbale est autant condamnée que la violence physique. La description des circonstances montre la prise en compte d'une violence physique mais aussi sociale et psychologique. L’atteinte à la réputation publique d’une personne n’est pas négligée. Les avocats mentionnent les circonstances aggravantes : le rapport à l’argent (un mari qui ne satisfait pas aux besoins de son épouse et de sa famille, voire qui les prive, alors qu’il peut lui-même avoir des dépenses dispendieuses), la condamnation des pratiques religieuses de la femme, les infidélités, l’état de la femme (malade, enceinte ou en sortie de couches), la paresse, l’ivrognerie ou encore le devoir conjugal non rempli.

À travers les discours, on note aussi le rôle des familles, qui peuvent secourir et héberger lorsque les violences se multiplient, mais aussi agresser verbalement et participer au contexte violent à l’encontre de la belle-fille notamment.

Ordonnance sur requête (3 U 4/533).

Consulter le document intégral.

1932, la femme battue et la question de la légitime défense

En 1932, la Cour d’appel de Pau juge Marthe, 29 ans accusée du meurtre de son mari. Les témoignages attestent des violences régulières subies que son mari faisait subir à Marthe. Son dossier de non-lieu (2 U 501) et de l’arrêt de la Chambre des mises en accusation (2 U 380) restituent la teneur des débats. Ils montrent aussi l’inscription de ces actes dans un contexte social globale de violence. La femme battue est écoutée. Pour se défendre, les autorités n’ont qu’un conseil : s’armer...

Réquisitoire contre Marthe (2 U 501)
Plaidoirie de l'avocat de Marthe (2 U 501)

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